Loin du monde, l’île est le monde : …
Loin du monde, l’île est le monde : Les écotones insulaires de l’océan Indien entre créolisation et frontières liquide
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Un article de Markus Arnold, professeur associé en études françaises et francophones à l’université du Cap. Il est titulaire d’un doctorat binational franco-allemand sur la littérature comparée/francophone et a enseigné à l’ENS Lyon, à l’ESA Réunion et à l’Université de la Réunion, où il est chercheur associé (LCF EA 4549). Ses activités d’enseignement et de recherche couvrent les littératures et cultures francophones et anglophones (notamment l’Océan Indien et le « Global South »), la théorie postcoloniale, la bande dessinée et le cinéma contemporain. Conférencier régulier et auteur de plus de 20 articles, chapitres de livres et revues, il a récemment publié la monographie « La littérature mauricienne contemporaine : Un espace de création postcolonial entre revendications identitaires et ouvertures interculturelles » (Berlin : Lit, 2017, 562p.) et l’ouvrage co-dirigé » L’image et son dehors : contours, transitions, transformations » (Pau : PUPPA, 2017, 310p.).
Résumé
_ traduit par Deepl
En raison de leur géographie spécifique et de leurs histoires plurielles, les sociétés insulaires du sud-ouest de l’océan Indien se caractérisent par une complexité anthropologique et culturelle considérable. Les régimes coloniaux et les phénomènes migratoires et diasporiques ont fortement marqué ces territoires aux frontières de l’océan, ainsi que leur construction sociale et leur composition ethno-raciale particulière. Île-utopie, île-prison, île-refuge, île-étape, île-relation, île-monde… les notions ne manquent pas pour imaginer et décrire ces lieux hétérogènes où se négocient les réalités, les potentialités et les limites de la pluralité culturelle (post)coloniale. Car derrière les rêves tropicaux et les exaltations de la cohabitation harmonieuse (vivre-ensemble) apparaissent la précarité de la condition insulaire, l’ambiguïté de l’identité, la difficulté de s’ancrer et de s’exprimer à partir d’un lieu qui reste fortement façonné par ses relations avec l’extérieur (les anciennes et nouvelles « métropoles » et les lieux de référence, les autres îles). Dans quelle mesure les spécificités des îles de l’océan Indien – cet autre « archipel » moins visible que son homologue caribéen – peuvent-elles informer et nourrir les territoires continentaux, la France, le monde ? Sont-elles des modèles de solidarité éthique ? Des antidotes aux blocages identitaires ? Des laboratoires de la pensée démocratique ? Des préfigurations créatives de l’avenir ? C’est possible. Mais selon certains penseurs, écrivains et artistes issus de ces espaces, les îles et archipels, loin d’être les idéalisations d’une communauté vitaliste et béate (en-commun), se révèlent avant tout des zones de contact plurielles et conflictuelles. Elles émergent comme des écotones complexes qui permettent d’imaginer et de penser les défis de nos sociétés et cultures contemporaines à partir des « marges », des interstices, des frontières instables.
Far from the world, the island is the world: The island ecotones of the Indian Ocean between creolisation and liquid borders
Abstract
Due to their specific geography and plural histories, the island societies of the south-western Indian Ocean are characterised by a considerable anthropological and cultural complexity. Colonial regimes and migratory and diasporic phenomena have strongly marked these territories on the oceanic borders as well as their social construction and particular ethno-racial composition. Island-as-utopia, island-as-prison, island-as-refuge, island-as-stopover, island-as-relation, island-as-world … there is no shortage of notions to imagine and describe these heterogeneous places where the realities, potentialities, and limits of (post)colonial cultural plurality are negotiated. For behind the tropical dreams and the exaltations of harmonious cohabitation (vivre-ensemble) appear the precariousness of the island condition, the ambiguity of identity, and the difficulty of anchoring oneself in and expressing oneself from a place which continues to be significantly shaped by its relations with the outside (the old and new ‘metropolises’ and places of reference, other islands). To what extent can the specificities of the Indian Ocean islands – this other ‘archipelago’ less visible than its Caribbean counterpart – inform and nourish continental territories, France, the world? Are they models of ethical solidarity? Antidotes to identity-based blockages? Laboratories of democratic thought? Creative prefigurations of the future? It may well be. However, according to certain thinkers, writers and artists from these spaces, the islands and archipelagos – far from being the idealisations of a vitalist and blissful community (en-commun) – prove to be above all plural and conflicting contact zones. They emerge as complex ecotones that allow us to imagine and think about the challenges of our contemporary societies and cultures from the ‘margins’, the interstices, the unstable borders.